https://www.sb-roscoff.fr/fr/observation/biodiversite/communautes/benthos/benthobs/histoire-des-suivis-a-long-terme
Introduction: 
La pollution de la baie de Morlaix par les hydrocarbures de l’Amoco Cadiz
Content text: 

(RNO 1996.- Surveillance du Milieu Marin. Travaux du RNO. Edition 1996. Ifremer et Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. 32 p. (rapport pdf )

Dans la nuit du 16 au 17 mars 1978, l'Amoco Cadiz, pétrolier libérien, s'échouait sur les roches de Portsall, à 60 km dans l'ouest de la baie de Morlaix. En deux semaines 223 000 tonnes d'hydrocarbures se déversèrent en mer, polluant 350 km de côtes ainsi que l’ensemble des fonds marins subtidaux jusqu'à une profondeur d’environ 90 m au large de l'île de Batz (nord de la baie de Morlaix). Début avril, soit deux semaines après l'arrivée des nappes de pétrole en surface, la présence d’hydrocarbures dans le sédiment de la baie de Morlaix fut observée pour la première fois au niveau du peuplement des sables fins peu envasés (station Pierre Noire). Ce phénomène de pollution des fonds subtidaux se confirma pour l'ensemble des sédiments sublittoraux de la baie de Morlaix, même dans les zones épargnées par les nappes de pétrole de surface (station Rivière de Morlaix). La quasi-totalité des fonds de la baie furent ainsi polluées par les hydrocarbures en quantités quelquefois importantes (plusieurs milliers de ppm en poids sec de sédiment).

Les deux peuplements qui ont fait par la suite l’objet d’un suivi à long terme (i.e. « Pierre Noire » et « Rivière de Morlaix ») furent pollués sur toute leur étendue.  Suite à une première phase caractérisée par des teneurs en hydrocarbures élevées jusqu’au printemps 1979, celles-ci devinrent négligeables à partir de l’été 1979 à la station Pierre Noire, et seulement à partir de l’été 1980 à la station Rivière de Morlaix. Toutefois, si le retour à la normale des conditions environnementales s’est effectué en deux ou 3 ans, la reconstitution des peuplements macrobenthiques à un état proche de l’état initial a nécessité entre 10 et 15 ans.

A titre d’exemple, sur le site « Pierre Noire » qui fut le plus perturbé par la pollution, de profondes modifications qualitatives et quantitatives du peuplement macrobenthique furent observées avec un déclin de la richesse spécifique de 20 %, des biomasses de 40 % et des abondances de 80 %. Les populations des amphipodes du genre Ampelisca dont les densités atteignaient 40000 ind. m-2 en septembre 1977 furent décimées.  Leur reconstitution fut lente et progressive en raison des caractéristiques biologiques des amphipodes (i.e. absence de phase larvaire, faible fécondité) et varia selon les espèces en fonction de l’éloignement des populations sources qui pouvaient servir de réservoir pour le repeuplement. Un retour à des densités en Ampelisca comparables à celles rencontrées initialement fut observé à partir du début des années 90.

Parallèlement à la reconstitution des populations d’Ampelisca, d’autres cinétiques temporelles, indépendantes ou non de la pollution par les hydrocarbures, furent mises en évidence :

  1. la prolifération ponctuelle de polychètes opportunistes au début des années 80 qui pourrait correspondre à un effet de biostimulation post Amoco Cadiz ;
  2. des variations décennales des abondances de certaines espèces qui sont à relier à des variations décennales des conditions climatiques.

 

Les observations en deux sites ont permis de mesurer l’impact d’une perturbation accidentelle de vaste amplitude touchant des peuplements sur toute leur étendue, lors de la pollution par les hydrocarbures de l'Amoco Cadiz, au printemps 1978. Elles ont ensuite permis d’étudier les processus de recolonisation et de reconstitution des populations des espèces perturbées et d’observer les évolutions temporelles des populations en réponse aux changements climatiques. La pérennisation de longues séries de mesures biologiques s’avère être aujourd’hui un outil indispensable pour (1) mettre en évidence des variations cycliques de longues périodes, (2) évaluer l’impact du changement global sur la dynamique de la biodiversité, et (3) disposer d’un référentiel sur lequel se greffent des études ponctuelles de processus écologiques.