Créé(e) 06/04/2020 Mis à jour 04/05/2020
06 avr
2020
Nouvelle publication : Après une catastrophe, un peu de sexe vaut mieux que rien ! Etude des conséquences d’un séisme majeur sur la dynamique de récupération des populations sexuées et asexuées

Après un cataclysme, le sexe peut momentanément paraitre comme une perte de temps et d’énergie. Pourtant, une étude parue dans Evolutionary Applications, réalisée par des chercheurs de l’Unité Mixte Internationale franco-chilienne de la station Biologique de Roscoff (UMI 3614, CNRS, Sorbonne Université, Université Australe du Chili), de l’ UMR 1349 (INRA, Le Rheu) et du département d’écologie (Université catholique de Conception, UCSC, Chili), montre que la reproduction sexuée peut s’avérer indispensable à plus long terme pour une meilleure résilience des populations.

De par leur nature imprévisible, il est rare d’avoir l’opportunité de comparer les changements génétiques et la résilience de populations sexuées et asexuées avant et après de grandes catastrophes naturelles telles que les tsunamis et les séismes. En utilisant comme modèle d’étude, les populations sauvages et cultivées de l’algue rouge Agarophyton chilense, ces chercheurs ont étudié les conséquences du séisme du 27 Février 2010, de magnitude 8.8 sur l’échelle de Richter dans la région de Concepción au Chili. La diversité génétique des populations d’individus sauvages issus de la reproduction sexuée et des populations d’individus cultivés issus de bouturage a été suivie pendant une décennie dans deux régions : Concepción proche de l’épicentre et Puerto-Montt située à 600 km au sud. Les analyses ont ainsi été menées sur trois périodes : avant le tremblement de terre et le tsunami, les jours qui ont suivi et deux ans après. Alors qu’aucun changement n’est observé dans la région de Puerto Montt, ces travaux révèlent, dans la région de Concepción, de fortes perturbations de la structure génétique suite à la catastrophe. Immédiatement après, une perte de diversité génétique des populations sauvages (purement sexuées) est constatée par rapport aux fermes cultivées. En revanche, deux ans après, les niveaux de diversité des populations sauvages étaient revenus à ceux observés avant la catastrophe. Cette résilience des populations sauvages s’explique par le brassage des génotypes locaux survivants avec des immigrants provenant des populations sexuées éloignées.

Chez les populations cultivées, le maintien de la diversité génétique juste après la catastrophe illustre qu’un mode de reproduction clonal, confèrent aux populations des fermes une capacité surprenante à amortir la perte instantanée de diversité. Cependant, deux ans après, la moitié des populations cultivées avait disparu et dans les survivantes, la diversité génétique était fortement réduite suite au bouturage intensif des clones rescapés par les cultivateurs.

Les devenirs contrastés des populations sexuées et clonales dans la région proche de l’épicentre, suggèrent que parier sur un mode de reproduction strictement clonal pour maintenir la production des cultures est risqué à long terme malgré d’apparents bénéfices instantanés. En réduisant la diversité génétique à quelques génotypes, cette stratégie extrême diminue probablement les possibilités de résilience aux perturbations environnementales brutales induites par des catastrophes naturelles.

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Figure modifiée d’après Fig 1 dans Becheler et al. (2020)

Les six populations cultivées (carrés) et sept populations sauvages (ronds) échantillonnées avant et après le séisme et le tsunami du 27 Février 2010 dont l’épicentre était proche de Concepción. Les populations situées dans la région de Concepción fortement impactée sont en rouge alors que celles de la région faiblement impactée de Puerto Montt sont en vert.

L'amplitude estimée du tremblement de terre (échelle de Richter) subie à Concepción et à Puerto Montt, la hauteur des vagues du tsunami et les valeurs de soulèvement côtier ont été tirées de Castilla et al.1 (2010) et Vargas et al.2 (2011)

1Castilla, J. C., Manríquez, P. H., & Camaño, A. (2010). Effects of rocky shore coseismic uplift and the Chilean mega-earthquake on intertidal biomarker species. Marine Ecology Progress Series, 418, 17-23.

2 Vargas, G., Farías, M., Carretier, S., Tassara, A., Baize, S., & Melnick, D. (2011). Coastal uplift and tsunami effects associated to the 2010 Mw8. 8 Maule earthquake in Central Chile. Andean Geology, 38, 219–238.

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La collecte des individus d’Agarophyton dans la ferme de Tubul (région de Concepción) en fin d'été était une des activités principales du village avant le tremblement de terre et le tsunami de 2010 (crédit photo: M-L Guillemin, Universidad Austral de Chile, Chili).

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Un mois après le tremblement de terre et le soulèvement de plusieurs mètres des terres, les champs d’algues de la ferme de Tubul sont décimés, quelques individus survivent dans la vase, au premier plan, on voit des individus d’Agarophyton déséchés. La collecte des Agarophyton dans la ferme de Tubul (région de Concepción) en fin d'été était une des activités principales du village avant le tremblement de terre et le tsunami de 2010 

Becheler R., Guillemin M-L., Stoeckel S., Mauger S., Saunier A., Brante A. , Destombe C.& Valero M. (2020). After a catastrophe, a little bit of sex is better than nothing: Genetic consequences of a major earthquake on asexual and sexual populations. Evolutionary Applications.

Coordonnées du laboratoire

UMI 3614, Evolutionary Biology and Ecology of Algae, CNRS, Sorbonne Université, Universidad Austral de Chile, Pontificia Universidad Católica de Chile, Station Biologique de Roscoff, CS 90074, 29688 Roscoff, France

Myriam Valero  : valero@sb-roscoff.fr