Créé(e) 19/11/2018
03 déc
03 déc
2018
Mécanisme biophysiques et cellulaires de la croisssance apicale chez l'algue brune Ectocarpus sp.
Doctorant(e)

Hervé RABILLE

Directeur de thèse

Bénédicte Charrier

Résumé:

La croissance apicale (CA) est un mode d’élongation cellulaire extrêmement polarisée, au cours duquel la croissance en surface n’a lieu qu’à un site réduit de la cellule. Elle a lieu dans de nombreux groupes taxonomiques, et représente donc un système idéal pour des études « évo-devo » des mécanismes fondamentaux de morphogenèse cellulaire sur tout l’arbre du vivant. Néanmoins, l’étude de la CA chez les eucaryotes s’est principalement concentrée sur les plantes terrestres et les champignons, laissant de côté les autres groupes. Pour combler ce déficit de connaissances, les macroalgues brunes sont particulièrement intéressantes du fait de leur histoire évolutive unique, des spécificités de leurs structures cellulaires et des conditions physiques de leur milieu, qui ont probablement résulté en l’acquisition de mécanismes de morphogenèse originaux. Au cours de ma thèse, j’ai entrepris de caractériser les mécanismes de la CA chez Ectocarpus sp., une espèce modèle pour les algues brunes. Pour cela, j’ai mesuré le patron du taux d’expansion de la paroi à l’apex des cellules apicales, ainsi que la pression de turgescence, la courbure de surface et l’épaisseur de paroi, afin d’alimenter un modèle viscoplastique de CA. Ce modèle a permis de prédire que le patron d’extension de la paroi dans la cellule apicale n’est pas contrôlé par un gradient de propriétés mécaniques de la paroi, mais par un gradient d’épaisseur de paroi. En outre, la mesure expérimentale de la déformabilité pariétale immédiate (principalement de nature élastique) a mis en évidence un gradient inverse de déformabilité mécanique, opposé à celui qui serait attendu si cette propriété contrôlait l’aptitude de la paroi à croître. Par ailleurs, si l’abondance globale en alginates, un composant majeur de la paroi des algues brunes, semble contrôler la rigidité de la paroi où le stress de tension est élevé, les blocs mannuronates semblent aussi importants que les blocs guluronates dans cette fonction. Enfin, nous avons montré que chez Ectocarpus, les filaments d’actine (FAs) sont indispensables pour restreindre la croissance pariétale dans le dôme apical, et donc dans la mise en place de la forme tubulaire dans la région subapicale. Le marquage fluorescent des FAs a montré l’existence d’une « coiffe apicale » sous le dôme, une structure commune à plusieurs autres groupes, qui apparait nécessaire pour le renforcement mécanique de la fine paroi à l’apex. Ces données suggèrent donc que les FAs pourraient contrôler le patron d’expansion de la paroi le long de la cellule en exerçant une influence directement mécanique sur la paroi cellulaire. Dans leur ensemble, les résultats obtenus au cours de cette thèse démontrent que les mécanismes biophysiques de la CA chez Ectocarpus sont radicalement différents de ceux rencontrés chez les plantes terrestres et les champignons. À l’avenir, ils permettront la caractérisation des mécanismes moléculaires contrôlant la CA chez les algues brunes, et ouvrent ainsi la voie à de futures études évo-devo de ce mode particulier de morphogenèse cellulaire.


Mots-clés : actine ; algues brunes ; biomécanique ; croissance apicale ; Ectocarpus ; paroi cellulaire

Jury:

- Pr Arezki Boudaoud, ENS Lyon, France, rapporteur
- Dr Siobhan Braybrook, University of California, Los Angeles, USA), rapporteur
- Dr Bénédicte Charrier CNRS, Station Biologique de Roscoff, UMR8227, France, directrice de thèse
- Pr Benedikt Kost, Friedrich Alexander University of Erlanen Nurnberg, Germany, examinateur
- Dr Bernard Kloareg, Sorbonne University, Station Biologique de Roscoff, France, examinateur