Créé(e) 22/11/2018 Mis à jour 06/05/2019
22 nov
2018

Mots clés : Symbiose, Symbiodinium, Tara Oceans, plancton

Publié dans Current Biology

Collaborations : CNRS Roscoff, CEA Genoscope, CIRAD Montpellier, Cawthron Institute et University of Auckland (Nouvelle Zélande), Technische Universität Kaiserslautern (Allemagne), King Abdullah University of Science and Technology (KAUST) (Arabie Saoudite)

Grace à sa relation symbiotique avec une multitude d’invertébrés benthiques (coraux, gorgones, mollusques, éponges, etc.), la micro-algue du genre Symbiodinium est la source d’énergie principale pour la construction et la survie des récifs coralliens planétaires, qui abritent >25% de la biodiversité marine.  Étant donné l’immense valeur écologique et économique des récifs coralliens, aujourd’hui menacés par les changements climatiques, la diversité et la physiologie des Symbiodinium récifaux ont fait l’objet de très nombreuses études depuis plus de 20 ans. Or cette micro-algue n’a pas été encore explorée dans les océans, loin des côtes, qui couvrent >70% de notre planète bleue. Est-elle endémique des récifs ou bien occupe-t-elle un habitat bien plus étendu, ce qui changerait notre vision sur son évolution et écologie?

Une équipe de la Fédération de Recherche Tara Oceans GO-SEE (Global Ocean Systems Ecology & Evolution1), en collaboration avec des chercheurs de Nouvelle Zélande et d’Arabie Saoudite, a scruté la présence et l’activité de Symbiodinium parmi les milliards de séquences ADN et ARN récoltées sur plus de 100 sites de l’océan global lors de l’expédition Tara Oceans (2009-2012). Grace aux données de ‘metabarcoding’, les chercheurs ont découvert que la micro-algue est présente dans tous les océans étudiés (Atlantique, Pacifique, Indien), et surtout dans les eaux (sub)tropicales. Même si Symbiodinium ne représente qu´une petite fraction de l’ADN phytoplanctonique, la plupart des clades génétiques connus dans les récifs coralliens ont été détectés dans le plancton planétaire (avec une prépondérance significative des clades A et C), et ce dans toutes les fractions de taille analysées, suggérant des phases de vie à la fois libre et symbiotique.

Les chercheurs ont également analysé le catalogue de gènes Tara océans (meta-transcriptomes) contenant 116 millions de gènes eucaryotes ainsi que leur niveau d’expression dans les océans planétaires. Plusieurs gènes du métabolisme de Symbiodinium ont été mesurés, notamment ceux impliqués dans les grandes voies biochimiques d´une microalgue: photosynthèse, métabolisme des lipides, glycolyses, assimilation d´azote. Ces résultats prouvent l’activité de Symbiodinium dans sa forme libre, flottant dans les eaux de surface du plancton océanique, mais aussi en symbiose avec des hôtes unicellulaires comme le cilié Tiarina (voir communiqué de presse CNRS Quand la symbiose corallienne prend le large).

La découverte de la diversité et de l’activité de Symbiodinium à la surface des océans change radicalement notre vision de la symbiose basée sur cette micro-algue emblématique des récifs coralliens. La domination dans les océans du clade A de Symbiodinium, qui est aussi le plus ancestrale dans la phylogénie, conforte l´hypothèse que la micro-algue serait apparue d’abord dans les océans, il y a environ 160 millions d´années, avant de coloniser les écosystèmes côtiers en symbiose avec les invertébrés. La question majeure est maintenant de savoir si ces Symbiodinium pélagiques peuvent ré-établir des symbioses au sein des récifs coralliens après leur grands voyages trans-océaniques. Si tel est le cas, l’océan serait aussi un énorme réservoir et brasseur génétique de cellules de Symbiodinium qui pourraient repeupler à tout moment les écosystèmes récifaux menacés par les changements climatiques.   

Enfin, ces résultats créent un lien entre les expéditions Tara Oceans (plancton, 2009-2014) et Tara Pacific (corail, 2016-2018), et la moisson de nouveaux échantillons et données ramenés par la goelette en octobre 2018 (voir ici) permettra de mieux comprendre les processus éco-évolutifs clef à l’interface entre les cotes et le grand large.

Références de l’article :

Worldwide occurrence and activity of the reef-building coral symbiont Symbiodinium in the open ocean, Johan Decelle, Quentin Carradec, Xavier Pochon, Nicolas Henry, Sarah Romac, Frédéric Mahé, Micah Dunthorn, Artem Kourlaiev, Christian R. Voolstra, Patrick Wincker, Colomban de Vargas, Current Biology, 8 novembre 2018

DOI : https://doi.org/10.1016/j.cub.2018.09.024

Contacts chercheurs :

Johan Decelle, ancien post-doctorant du laboratoire AD2M, aujourd’hui maitre de conférence au Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale à Grenoble (Equipe Lumière et Photosynthèse) (CNRS/UGA/CEA/Inra)

T +33 (0)6 80 15 46 29 I johan.decelle@univ-grenoble-alpes.fr

Colomban de Vargas, directeur de recherche CNRS au laboratoire « Adaptation et diversité en milieu marin » (AD2M, CNRS/SU), directeur de la Fédération de Recherche Tara Oceans GO-SEE (FR2022)

T +33 (0)6 47 39 24 04 I vargas@sb-roscoff.fr

 

1. La fédération de recherche GO-SEE (Global Ocean Systems Ecology & Evolution) a pour tutelles : CNRS, CEA, Sorbonne Université, Université Paris-Sciences-et-Lettres, INSERM, ENS Paris, IRD, EPHE, Université d’Evry Val d’Essonne, Université Paris-Saclay, Université de Perpignan Via Domitia, Aix-Marseille Université, Université de Toulon, Ecole centrale de Nantes, Université de Nantes, Université Grenoble-Alpes,Faculté de Sciences Physiques et Mathématiques de l'Université du Chili, EMBL, et Fondation Tara Expéditions.