Créé(e) 14/02/2018 Mis à jour 02/03/2018
12 fév
2018

Les cyanobactéries du genre Synechococcus sont omniprésentes dans les mers du globe (1) et contribuent fortement à la chaine alimentaire marine et au cycle du carbone. Certaines de ces cyanobactéries sont capables de changer de couleur pour s’adapter aux variations de leur milieu, mais les chercheurs ignoraient jusqu’à présent la localisation et l’abondance de ces « caméléons » du plancton. Des chercheurs du CNRS et du CEA (2) et leurs collaborateurs internationaux montrent que ces cyanobactéries capables de modifier leur pigmentation sont globalement les plus abondantes des océans (environ 40% des Synechococcus) et plus nombreuses en profondeur et aux hautes latitudes. Cette capacité d’adaptation est un atout important pour un organisme planctonique qui est transporté par les courants dans des zones où la couleur de l’eau varie ce qui leur permet de continuer à fournir de l’énergie à l’ensemble du réseau trophique. Cette découverte est une avancée majeure dans la connaissance de ces organismes qui s’avèrent être d’excellents biomarqueurs du changement climatique. Ces résultats ont été publiés dans la revue PNAS le 12 février 2018


Notes

(1) Les concentrations varient de quelques centaines à plus d’un million de cellules par Ml.
(2) Du laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin de la station biologique de Roscoff (CNRS/Sorbonne Université), du Laboratoire d'océanographie de Villefranche (CNRS/Sorbonne Université) et du Génoscope (CNRS/Université Evry Val d’Essonne/CEA).

 

Référence DE l'ARTICLE

Light color acclimation is a key process in the global ocean distribution of Synechococcus cyanobacteria. Théophile Grébert, Hugo Doré, Frédéric Partensky, Gregory K. Farrant, Emmanuel S. Boss, Marc Picheral, Lionel Guidi, Stéphane Pesant, David J. Scanlan, Patrick Wincker, Silvia G. Acinas, David M. Kehoe and Laurence Garczarek, PNAS, 12 février 2018. 

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L'étude menée par des scientifiques de la station biologique de Roscoff  et du CEA a révélé, en analysant les données de métagénomique de l’expédition Tara Oceans, l’importance de l’influence de la couleur de l’eau sur la distribution et l’abondance de l’un des groupes majeurs du phytoplancton marin, les cyanobactéries du genre Synechococcus. Elle montre que les populations de Synechococcus les plus abondantes sont celles capables de modifier leur pigmentation pour s’adapter à la couleur de la lumière ambiante.

La couleur de l’eau de mer dépend en grande partie de sa charge en particules en suspension. Les eaux estuariennes chargées en particules minérales et en matière organique dissoute sont brunes, les eaux côtières chargées en phytoplancton apparaissent vertes, tandis que les eaux du large qui sont plus pauvres en particules, aussi bien minérales que biologiques, sont plutôt bleues. De plus, l’eau agit comme un filtre coloré et les couleurs composant le spectre solaire incident en surface disparaissent successivement avec la profondeur, l’eau absorbant tout d’abord le rouge, l’orange, le violet, le jaune, puis le vert; seul le bleu parvient jusqu’au bas de la couche éclairée.

Les organismes du phytoplancton, qui ont besoin de la lumière du soleil pour effectuer la photosynthèse, doivent s’adapter à cette variabilité de la couleur de leur environnement. Dans ce contexte, les cyanobactéries marines du genre Synechococcus apparaissent comme l’un des groupes phytoplanctoniques les plus diversifiés du point de vue pigmentaire. Certaines souches ont une pigmentation fixe leur permettant de capturer préférentiellement certaines couleurs plutôt que d’autres, à savoir l’orange, le vert ou bien le bleu. D’autres souches peuvent, comme des caméléons, modifier leur pigmentation afin de capturer préférentiellement soit le bleu soit le vert, selon la couleur dominante de l’eau de mer ambiante, un phénomène appelé ‘acclimatation chromatique’ (voir brève du 26 novembre 2012). Cependant, on ignorait jusqu’alors dans quelle proportion ces différents types pigmentaires coexistaient dans les différents environnements lumineux.

Pour répondre à cette question, une équipe de la station biologique de Roscoff a mis au point une méthode bio-informatique permettant de d’identifier et de quantifier chacun des types pigmentaires de Synechococcus à partir des nombreuses données de métagénomique de la campagne Tara Oceans, une expédition qui a échantillonné les mers du globe pendant deux ans et demi. En utilisant une combinaison de trois gènes codant pour des protéines de biosynthèse des pigments de l’antenne photosynthétique, ils ont pu obtenir une carte de distribution globale de l’ensemble des types pigmentaires de Synechococcus dans l’océan mondial. Cette étude a notamment révélé la prédominance dans la plupart des environnements marins des ‘acclimatateurs chromatiques’, dont l’importance était insoupçonnée jusqu’alors. Par ailleurs, en regardant la cooccurrence dans un même échantillon de différents gènes de biosynthèse de pigments, les chercheurs ont pu identifier que certaines populations naturelles de Synechococcus ne possédaient pas tous les gènes attendus et étaient donc vraisemblablement des mutants naturels. Par comparaison avec des souches en culture dont le génome a été séquencé, l’équipe a pu prédire la pigmentation de ces populations naturelles atypiques.

Cette étude, parue dans la prestigieuse revue américaine ‘Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA’, constitue donc une avancée majeure dans la connaissance de l’influence de la couleur de l’eau, l’un des paramètres clés mesurés par les satellites d’observation de l’océan, dans la distribution d’un des groupes les plus abondants du phytoplancton marin.

Carte de distribution des types pigmentaires des cyanobactéries Synechococcus le long du trajet de l’expédition Tara Oceans. CNRS /Sorbonne Université © PNAS Grébert et al. (2018) 

 

Image composite de concentration en chlorophylle dans les Océans  (Source: Nasa).

Contacts:

Chercheuse CNRS | Laurence Garczarek | T 02 98 29 25 38 ou 06 20 33 16 37 |

Chercheur CNRS | Frédéric Partensky | T 02 98 29 25 64 |

Presse CNRS | Anaïs Culot | T 01 44 96 43 09 |