Créé(e) 16/03/2017 Mis à jour 20/06/2017
16 mar
2017

Les définitions d’espèces et les critères utilisés pour les délimiter sont des thèmes encore intensément débattus. Cela est particulièrement vrai pour les espèces qui ont divergées récemment. La nouvelle approche mise en avant par les biologistes suggère que les espèces devraient être considérées comme des hypothèses scientifiques ; la délimitation d'espèces devenant donc un processus de réfutation basé sur l'acquisition de nouvelles preuves. C’est cette démarche qu’a utilisée Alejandro Montecinos lors de sa thèse menée en co-tutelle entre l’Université de Valdivia au Chili et l’Université Pierre et Marie Curie, dans le cadre du laboratoire international franco-chilien (UMI CNRS UPMC) pour étudier la difficile histoire taxonomique du genre Ectocarpus.

Ces travaux publiés dans le dernier volume de Journal of Phycology (volume 53, issue 1) ont permis d’identifier 15 espèces cryptiques dans le sous-groupe Ectocarpus siliculosi à l'aide de trois approches indépendantes de délimitation d'espèces, sur un échantillonnage de 729 spécimens d'Ectocarpus collectés principalement le long des côtes européennes et chiliennes. Les résultats démontrent que la souche d’Ectocarpus dont le génome a été séquencé, utilisée comme espèce modèle pour les algues brunes et précédemment reconnue comme E. siliculosus, est en réalité une espèce rare qui n’a jamais été identifiée taxonomiquement, et qui a été observée seulement au Pérou et sur la côte nord du Chili. Un autre point intéressant est que plusieurs des espèces cryptiques décrites semblent occuper des niches écologiques distinctes liées à différents niveaux de marée et / ou spécificités d'hôte. Enfin, nos analyses suggèrent l'existence de tri de lignées incomplet (« incomplete lineage sorting ») ou d'une introgression entre cinq de ces 15 lignées évolutivement proches ainsi que des niveaux de barrières reproductives différents dans ce complexe d'espèces. Tous ces résultats ouvrent un champ de recherche passionnant sur l’étude de l'évolution et de diversification dans ce groupe grâce à disponibilité d’outils de génomique et de génétique chez l’espèce modèle des macroalgues brunes.

Un article « highlight » a été publié par Frederik Leliaert et Olivier De Clerck dans Journal of Phycology sur le papier publié dans le même volume par Alejandro Montecinos et ses collaborateurs.

Fig. Leliaert et De Clerck (2017). Ectocarpus sp. NZKU 1–3 (CCAP 1310/56) et arbre phylogénétique cox1 des Ectocarpus du sous groupe siliculosi montrant les 15 espèce délimitées sur la base des des marqueursmoléculaires par Montecinos et al (2017)

Figure d’après Leliaert et De Clerck( 2017). Souche d’Ectocarpus sp. NZKU 1–3 (CCAP 1310/56) in culture (photo d’Olivier De Clerck), and arbre phylogénétique cox1 des Ectocarpus du sous groupe siliculosi montrant les 15 espèces délimitées sur la base des marqueurs moléculaires par Montecinos et al. (2017).

 

Références

[1] Leliaert F, De Clerck O (2017) Refining species boundaries in algae. Journal of Phycology 53, 12-16.

[2] Montecinos AE, Couceiro L, Peters AF, et al. (2017) Species delimitation and phylogeographic analyses in the Ectocarpus subgroup siliculosi (Ectocarpales, Phaeophyceae). Journal of Phycology 53, 17-31.